quarta-feira, 8 de outubro de 2008

As apontamentos da última aula

Recommencer dans la foi

André Fossion s.j.
Professeur au Centre International Lumen Vitae

Nos pays de vieille chrétienté ont connu des moments de grands bouleversements politiques ou de créativité intense sur le plan philosophique ou scientifique qui ont provoqué des mouvements d’émancipation religieuse voire de libération de la foi chrétienne elle-même. Cette tendance travaille toujours en profondeur notre société. Elle s’est même considérablement intensifiée depuis une quarantaine d’années au point que les sociologues y voient une véritable « déconstruction » du religieux ou, du moins, d’un certain ordre religieux.
Or voici qu’apparaît aujourd’hui, à l’intérieur de ce contexte, un phénomène nouveau, peut-être particulièrement significatif. Nous voulons parler de tous ceux et celles qui, de-ci de-là, de plus en plus nombreux, reprennent, après l’avoir quittée, un chemin de « recommencement » dans la foi .
Le terme « recommencer » n’est sans doute pas le meilleur pour signifier ce qui est ici en jeu, mais adoptons-le néanmoins : c’est l’expression que les personnes concernées, pourtant très diverses, utilisent spontanément le plus souvent pour désigner leur démarche. Mais qui sont ces « recommençants » ? Ce sont des baptisés. Leur vie a donc été marquée à l’origine par un certain rapport au christianisme. Les uns, peu ou mal catéchisés, ont toujours vécu assez éloignés de la foi et des pratiques chrétiennes. D’autres, au contraire, ont dénoué eux-mêmes leurs liens avec l’Eglise pour de multiples raisons, bonnes ou mauvaises. Pour certains, ce fut par paresse, par négligence ou par conformisme avec le milieu ambiant. Mais pour d’autres, cette distance fut prise de manière délibérée parce que l’Eglise leur paraissait tantôt trop dure, tantôt trop intolérante, tantôt insuffisamment respectueuse des diversités culturelles ou des exigences de la raison.
Ce qui est commun à toutes ces personnes, malgré leur diversité, c’est que « recommencer dans la foi » ne signifie nullement « revenir en arrière ». Il ne s’agit pas, en effet, pour elles, de reprendre, après un temps d’errance, un parcours religieux là où elles l’auraient laissé. Pour les « recommençants », il s’agit, bien plutôt, d’aller de l’avant, d’assumer toute leur histoire avec ce qu’elle comporte d’expériences, de joies et de peines, de convictions et de doutes, pour « recommencer à croire », mais autrement, sur d’autres bases, avec une fraîcheur, une intelligence et une liberté nouvelles. Ainsi, s’ils veulent recommencer à croire, c’est en particulier avec le souci de comprendre. Comprendre, tout d’abord, leur propre histoire, la relire, la retraverser en quelque sorte pour reprendre l’initiative et éventuellement la réorienter. Comprendre aussi la foi, réfléchir à la manière dont ils l’ont vécue jadis et aux motifs qui les ont conduits à s’en éloigner. Mais, surtout, chercher les raisons qui pourraient les en rapprocher à nouveau. Ainsi, les recommençants aspirent-ils à une saisie nouvelle et exigeante de la foi qui puisse rejoindre leur recherche de sens et nourrir leur vie d’adultes dans l’engagement et la responsabilité. Ce qu’ils demandent, à cet égard, c’est de rencontrer des propositions de foi justes, cohérentes et pertinentes qu’ils éprouvent comme salutaires pour la vie et leur permettent, par le fait même, de prendre congé, sans états d’âme, de certaines autres représentations religieuses stériles, voire aliénantes, qui furent jadis les leurs. Le recommencement dans la foi apparaît, de ce point de vue, comme une véritable reconstruction faite d’abandons et de rejets mais surtout de découvertes, d’apprentissages et même, pourrait-on dire, de séduction nouvelle.
La plupart du temps, la démarche des « recommençants » dans la foi est empreinte de gravité et, simultanément, de légèreté. Gravité, car ce sont souvent des événements importants qui sont l’occasion d’une remise en question : une épreuve, une maladie, un deuil, une séparation, un déménagement, un changement de situation professionnelle, une rencontre amoureuse, une naissance, etc. Autant d’événements qui touchent à l’identité personnelle profonde. Qui suis-je ? Qu’est-ce que je veux devenir à mes propres yeux, au regard des autres, face à ma mort ? De quelle gratitude suis-je animé(e) ? Quel héritage transmettre à mes enfants ? Quel lignage, tradition et appartenance leur offrir ? De quelles convictions vivre et témoigner devant eux ? Gravité, donc. Mais aussi légèreté. Les recommençants manifestent un grand calme dans leur recherche. Ils avancent sur les chemins nouveaux de la foi, avec détermination, sereinement, sans avoir rien à perdre, sans se presser, à leur rythme, dans un espace de gratuité fondamentale où l’enjeu est d’accéder à une plus grande profondeur, vérité et qualité de vie. Leur expérience, c’est d’éprouver l’Evangile comme lourd de sens et, à la fois, léger à porter.
Pour notre société, ces recommençants dans la foi sont en quelque sorte une parabole de ce qui est en train de lui advenir. Ils sont le signe du fait que, quelles que soient nos appartenances d’origine, nous sommes redevenus, tous et toutes, au plus intime de nous-mêmes, des nomades : c’est-à-dire des personnes dont les parcours ne sont pas tracés à l’avance, qui connaissent des moments, parfois longuement réfléchis, souvent imprévisibles pour l’entourage, de réorientation de vie et de conversion. Entendons ce mot au sens large : se convertir, c’est littéralement «changer de direction et se tourner vers ». A cet égard, notre époque remet heureusement du jeu ; elle donne du champ libre à la transhumance intérieure, à la liberté de se mouvoir, d’aller et de venir, de se reprendre, de commencer ou de recommencer. Les institutions idéologiquement marquées – qu’elles soient d’ordre politique, social ou culturel – gardent toute leur raison d’être. Elles font vivre, en effet, des traditions diverses qui honorent la démocratie et l’enrichissent. Les individus peuvent s’appuyer sur elles pour se situer socialement, pour s’insérer dans une tradition, pour agir et poursuivre des projets. Toutefois, il faut reconnaître que ces institutions sont aujourd’hui devenues poreuses ; elles sont en quelque sorte relativisées par l’émergence de sujets qui ne s’y laissent pas enfermer, mais se donnent la liberté de penser par eux-mêmes, de se mouvoir hors des sentiers battus et de créer leurs propres réseaux d’affinité et d’appartenance.
Le phénomène des recommençants indique aussi que, dans une Europe fatiguée d’avoir été chrétienne, la foi peut retrouver aujourd’hui une pertinence nouvelle, inattendue. Au-delà des stéréotypes et en dehors de tout sentiment d’inféodation cléricale, leur expérience, en tout cas, est d’éprouver de manière neuve la puissance d’humanisation que recèle la foi chrétienne aussi bien au niveau individuel que collectif.
Quant à l’Eglise, ce qu’elle apprend des recommençants, c’est l’humilité. Un nouveau croyant ou un recommençant dans la foi, en effet, sera toujours pour elle une surprise. Car l’adhésion d’une personne à l’Evangile n’est jamais un objet de conquête ou un résultat obtenu par la force. Le lieu même où (re)naît la foi n’est au pouvoir de personne. L’Evangile lui-même parle, d’ailleurs, de semailles et de graine qui pousse sans que l’on sache comment. Point n’est besoin donc d’une évangélisation tapageuse ou conquérante. L’attitude juste pour l’Eglise consiste à se mettre au service : service de la mémoire en mettant à la disposition de tous les richesses de sa tradition ; service de l’intelligence par un dialogue critique et bienveillant où les uns et les autres échangent leurs convictions, leurs doutes et leurs désirs, en remettant ainsi du jeu dans leur propre histoire ; service de la liberté, enfin, qui ne se divise pas. Il n’en faut pas davantage. Nos contemporains seront bien capables de discerner par eux-même ce qui les fait vivre.






Catéchèse et évangélisation des adultes en Italie

Par Enzo Biemmi[1]

J’avoue que lorsque l’on m’a contacté, me demandant de présenter à ce Congrès “un témoignage sur des expériences intéressantes et novatrices dans la catéchèse des adultes”, je suis resté embarrassé. Je travaille dans le secteur de la catéchèse des adultes depuis plus de dix ans au niveau national, et je dois dire en toute franchise qu’on peut trouver, en Italie, des expériences intéressantes, mais pas vraiment novatrices. Cela d’ailleurs ne surprendra personne. La catéchèse des adultes est un point sensible et révélateur de la difficulté actuelle pour la communauté ecclésiale d’annoncer l’évangile de façon significative dans le contexte culturel présent: on dirait que l’Eglise ne trouve plus les mots pour dire la nouveauté de l’évangile à l’homme contemporain.

Tout d’abord deux courtes prémisses indispensables:

a) La première concerne la distinction entre les formes de catéchèse des adultes et celles d’évangélisation. Par catéchèse des adules, j’entends toutes ces formes d’intervention qui visent à la formation des personnes adultes appartenant déjà à la communauté chrétienne. Par “évangélisation” j’entends les formes de première annonce adressées à des adultes non baptisés ou qui doivent être initiés à nouveau à la foi. Même si, pour des raisons évidentes, les confins entre les deux domaines ne sont plus tellement nets, cette distinction est nécessaire; elle permet une première constatation: en Italie les expériences en cours regardent surtout la catéchèse des adultes, non l’évangélisation au sens strict.

b) La seconde prémisse concerne l’évangélisation. Les initiatives plus marquantes et efficaces dans le domaine de l’évangélisation des adultes sont le fait, en Italie, des mouvements (particulièrement le Renouveau, les Focolari, le Néocatéchuménat, les Cursillos, et en partie Communion et Libération). De fait, ces mouvements se révèlent capables d’approcher et de remettre en route des personnes éloignées de l’évangile et de l’Eglise, tandis que les canaux officiels (paroissiaux, diocésains, nationaux) se limitent à la catéchèse traditionnelle. Les mouvements présentent actuellement en Italie les expériences de première évangélisation apparemment les plus efficaces et, en même temps, les plus problématiques d’évangélisation des adultes.
La difficulté de trouver des estimations et le caractère problématique de ces expériences, non encore sérieusement étudiées, m’a ôté pratiquement la possibilité de vous en parler de façon correcte et documentée.
Je vous présenterai donc les expériences qui se font dans les diocèses et dans la catéchèse italienne “ officielle ”.
Je présenterai d’abord les intentions qui guident l’Eglise italienne, du Concile à nos jours, à propos de notre thème; je ferai ressortir l’écart existant entre les intentions et les réalisations; je signalerai les expériences les plus significatives et conclurai en vous présentant une expérience personnelle qui s’assimile au rêve.



1. Les intentions

A partir des années 70, on a assisté dans l’Eglise italienne à la naissance et à l’affermissement progressif de la conviction qu’au centre de l’oeuvre d’évangélisation et de la catéchèse il faut placer l’annonce de l’Evangile aux adultes. On doit reconnaître que le thème de la catéchèse des adultes a été réellement au centre des débats et des préoccupations de l’Eglise italienne.
En 1970, le Document Base de la catéchèse italienne, “Il rinnovamento della catechesi”, avait indiqué les adultes comme “les destinataires au sens le plus plein du message chrétien” (D.B. 124). Il avait ainsi précédé l’affirmation courageuse du Directoire Catéchétique Général de 1971: “La catéchèse des adultes, en tant qu’adressée à des personnes capables d’une adhésion et d’un engagement vraiment responsables, doit être considérée comme la forme principale de la catéchèse”.
Sur cette lancée, il y a eu des moments significatifs de conscientisation: le Congrès national des catéchistes de 1988 (avec la remise de la part des Evêques, du Document Base et de sa lettre de présentation[2]); le Congrès des catéchistes de novembre 1992, sur le thème “Adultes dans la foi, témoins de la charité” (qui a conduit à la constitution, dans chaque diocèse, d’une équipe diocésaine pour la catéchèse des adultes); l’édition définitive en 1995 du Catéchisme des adultes “La Vérité vous rendra libres”(qui propose à nouveau avec force aux communautés italiennes le devoir prioritaire de “dire Dieu” aux italiens et aux italiennes adultes). La dernière étape de cette conscientisation est marquée par la relance du catéchuménat des adultes, avec l’urgence de l’assurer dans chaque église locale.
Mais ce qui est ressorti de plus significatif de l’apparition d’une nouvelle conscience, c’est le changement de perspective à l’intérieur même du projet catéchétique italien et de la rédaction des catéchismes. La Conférence Episcopale italienne a promu et effectivement produit l’édition d’un catéchisme pour les différents âges (un pour les petits, trois pour la section enfants, un pour les adolescents, un pour les jeunes et un pour les adultes, au total huit catéchismes).
La comparaison entre la première rédaction (ad experimentum) et la définitive, montre avec clarté le changement. Si pendant la phase d’exprimentation (1970-1984), le premier catéchisme était celui des enfants et le dernier celui des adultes, dans l’édition définitive, la position est inversée: le premier catéchisme est celui des adultes (La Vérité vous rendra libres); viennent ensuite celui des jeunes et ceux des enfants. La catéchèse des enfants, en vue des sacrements de l’initiation chrétienne, est située comme le résultat et la conséquence d’une communauté adulte qui accueille et vit l’évangile. Le changement est important au niveau symbolique: tombe une pratique qui dure depuis 500 ans et on invite à reproduire la logique d’évangélisation propre des communautés des premiers siècles. Au niveau des intentions, la catéchèse des adultes devient, dans nos communautés italiennes “la forme principale de catéchèse”.

2. L’écart

Mais qu’en est-il réellement de tout cela dans la pratique, dans les communautés paroissiales italiennes? Nous disposons, au niveau national, de deux intéressantes enquêtes, l’une de 1989 (dont les données ont été publiées en 1990) et une autre plus récente (1995), lancée par l’Université Pontificale Salésienne[3].

- La première donnée qui apparaît dans l’enquête de 1989 est la constatation que, à partir de 1970, l’engagement dépensé dans la catéchèse des adultes a été grand. Simultanément, ressortent des réponses parvenues trois grandes limites:
a) Les expériences de catéchèses des adultes recensées s’adressent presque exclusivement aux chrétiens qui sont déjà dans l’Eglise. Il semble qu’il y ait une incapacité chronique de la l’action catéchétique actuelle à s’adresser à ceux qui sont “au loin” ou “dehors”.

b) Les adultes qui, dans les paroisses ou dans les mouvements, participent à la catéchèse sont une minorité, composée de croyants et de pratiquants, en majorité des femmes, de l’âge moyen et au-dessus.

c) Beaucoup d’expériences de catéchèses des adultes répondent encore à une vision notionnelle de la foi et les catéchistes d’adultes (prêtres ou laïcs) semblent plus préoccupés de la transmission d’un savoir de la foi dans son ensemble, que de sa signification pour les destinataires. En conséquence, la méthode est celle de l’enseignement par exposés.
- Un second aspect regarde directement les catéchistes des adultes. L’enquête de l’Université Salésienne révèle les données suivantes, pour ce qui concerne les catéchistes des diverses tranches d’âges:


TABLEAU DE LA DISTRIBUTION DES ENERGIES CATECHISTIQUES EN ITALIE (catéchistes dans le pays: environ 300.000)

1982
1993
enfants des classes élémentaires
68,5%
61%
enfants des “medie inferiori” (collège)
28,5%
30,2%
adolescents de 14-17 ans
9,3%
9,7%
jeunes de 18-24 ans
3,3%
4,5%
adultes en général
3%
4,2%


L’écart entre la pratique et les intentions s’impose de lui-même: la catéchèse italienne apparaît substantiellement infantile (puérocentriste) et à finalité sacramentelle. Les énergies catéchistiques italiennes sont en grande partie très nombreuses pour l’enfance (plus de 270.000 pour l’initiation chrétienne). Les catéchistes des adultes sont guère plus de 4% (12.000) et dans ce nombre sont compris les prêtres et les catéchistes des mouvements.

3. - Les réalisations plus significatives
A - Les formes de catéchèse des adultes

Les formes de catéchèse des adultes peuvent être facilement cataloguées :

1. Catéchèse pour les parents dont les enfants doivent recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne (baptême, première communion, confirmation).
2. Catéchèse se rapportant à la vie en couple (cours pour fiancés et groupes d’époux)
3. Catéchèse dans les “centres d ‘écoute”
4. Catéchèse pour le peuple
5. Catéchèse de groupes bibliques
6. Catéchèse des mouvements
7. Catéchèse des associations (Action catholique, AGESCI).

C’est une donnée générale en Italie: les formes de catéchèse des adultes plus répandues et qui regroupent le plus grand nombre d’adultes sont, et par ordre, les trois premières indiquées.

a) La catéchèse des parents à l’occasion des sacrements de leurs enfants.

Il n’existe pas de paroisses où ne se tiennent au moins quelques rencontres de catéchèse avec les parents des enfants à baptiser, à confirmer ou se préparant à la communion. La moyenne italienne pourrait être de trois rencontres pour le sacrement de baptême (ayant lieu habituellement dans la famille); 3-4 pour la première communion; 4-5 pour la confirmation. Il s’agit de la forme de catéchèse qui groupe le plus gand nombre d’adultes, dont certains n’ont de contact avec l’Eglise que dans ces circonstances, pour les mariages et les funérailles. Selon une enquête que j’ai faite moi-même, elle semble être aussi la forme de catéchèse la moins soignée et la plus répétitive: elle est donc une excellente occasion peu valorisée. Mais augmente le nombre des expériences qui voient la participation des parents arriver à un niveau de forte intensité et d’efficacité. Là où ces expériences deviennent des lieux d’une véritable annonce de l’évangile, on respecte toujours ces trois attentions:

a) La demande extérieure du sacrement est accueillie et valorisée, sans culpabiliser les attentes qui peuvent paraître superficielles. Cet accueil est le point de départ pour une vraie négociation avec les parents, pour une juste entente qui tienne compte de leur démarche et de la réalité du sacrement qu’ils demandent pour leur enfant[4].

b) La deuxième étape est la découverte de ce qui est en jeu pour leur enfant. Un pas est franchi quand on réussit à réveiller l’intérêt pour le développement éducatif, humain et chrétien des enfants. Ce passage n’est pas difficile. Il suffit de mettre au centre, pour un moment, l’enfant, son monde spirituel, la richesse de son intériorité, la fraîcheur de sa religiosité. Les enfants, si on les écoute, sont capables de provoquer la stupeur des adultes.

c) L’aboutissement de la démarche est la remise en question de soi-même (réouverture de la recherche de foi). Le changement d’orientation se produit quand l’attention se déplace des enfants aux parents, quand on comprend que le problème central, même en fonction des enfants, consiste dans l’approfondissement de la foi de la part des adultes. A partir de ce moment, le sujet du processus n’est plus l’enfant, mais l’adulte. Le passage est souvent imperceptible et l’enfant devient le vrai ”passeur”, le vrai catéchiste. Du rite à l’enfant, de l’enfant à l’adulte.
De nombreuses paroisses ont constitué de vrais et propres itinéraires de catéchèse avec les parents, qui s’éloignent rapidement de la préoccupation sacramentelle, et deviennent de vrais chemins de réévangélisation.

b) La catéchèse pour la vie de couple

En Italie, pour qui veut recevoir le sacrement de mariage, sont obligatoires les ”cours pour fiancés”. Les cours traditionnels qui envisagent les thèmes relatifs au couple et au sacrement, se transforment, en différents endroits, en “parcours” (des cours aux parcours) de foi, qui mettent ces jeunes couples sur la voie d’une demande de foi. L’élément sur lequel on peut s’appuyer est la demande latente en chaque couple: ”Cet amour réussira-t-il?”. A cette demande, l’évangile peut donner sa belle (bonne) nouvelle.
Beaucoup de paroisses et de diocèses ont élaboré des itinéraires de formation pour les couples de fiancés, respectueux, accueillants, “propositifs”, engageants. Le cas n’est pas rare que des cours bien menés naissent des groupes d’époux qui continuent leur formation chrétienne et s’engagent dans la communauté.

c) L’évangélisation des adultes dans les “centres d’écoute”.

Je m’arrêterai un peu plus sur cette expérience qui prend le nom de “centre d’écoute”; c’est en Italie la forme la plus originale de catéchèse des adultes et elle est en expansion. Par “ centres d’écoute ”, on entend ces groupes d’adultes qui se retrouvent dans les maisons pour réfléchir sur la foi. En général, la paroisse est divisée en zones; dans chaque zone sont repérés certains “centres”; pour chaque centre, on cherche une famille d’accueil et un animateur qui dirige la rencontre. Les groupes sont constitués de dix à quinze personnes en moyenne.
Les “Centres d’écoute” sont nés en Italie dans les années 70. Comme aucune étude n’a été faite sur leur origine et leur développement, il est difficile de comprendre comment ils sont nés et qui en est l’inventeur. On avance l’hypothèse qu’il y ait eu à leur origine le modèle des “communautés de base” latino-américaines, adapté ensuite dans certaines régions d’Italie; que certains prêtres missionnaires revenus dans leurs diocèses ont pu y contribuer. Une seconde “matrice” d’origine, plus ancienne celle-là, ce sont les “missions paroissiales” qui promeuvent ces groupes durant la période de la mission, avec l’invitation de les continuer dans la pastorale ordinaire.
Leur originalité et leur valeur peuvent être précisées en trois aspects fondamentaux.

Le lieu: la maison

- La maison est le lieu de vie et de réunion des gens: là se regroupent des personnes qui ne viendraient jamais en paroisse.
- La maison est le lieu où on rencontre la vie, les problèmes, les relations, les joies et les difficultés, les naissances et les deuils, la santé et la maladie. Se retrouver dans une maison, amène normalement à parler du vécu. On ne peut pas parler à la maison d’une foi en dehors de la vie.
- La maison est le lieu naturel de communication entre les personnes. Se rencontrer dans une maison est tout de suite une invitation à prendre la parole, à dialoguer. A la maison il n’y pas celui qui enseigne et celui qui écoute, même si des rôles y sont différents. A la maison tous parlent.
- La maison demande un groupe “primaire”, petit, auquel on peut s’identifier, non structuré: un groupe basé sur des relations et non sur des structures.
La première valeur des “centres d’écoute” est d’avoir opéré une décentralisation de la catéchèse et en dernière analyse de l’Eglise. La paroisse redevient une communauté de familles, et non seulement un édifice et des structures.

La méthode de conduction: la participation

Les méthodes de conduction d’un “centre d’écoute” offrent des variantes, mais elles ont toutes, par nature, une caractéristique commune: elles sont conçues sur un style de participation. Il n’est pas possible, dans une maison, de donner une conférence demandant ensuite aux présents ce qu’ils en pensent.
Dans un contexte culturel d’isolement, de solitude, de non-communication, les “centre d’écoute” offrent une réponse à un besoin (inné dans la foi) de revenir à la communication et de communiquer autour de ce qui nous fait vivre: notre vie et notre foi.

Le contenu: expérience et Parole

Le contenu des “ centres d’écoute ” relie toujours l’expérience des participants à la Parole de Dieu. On choisit des textes bibliques, en général liés aux temps liturgiques (Avent, Carême). On cherche à établir une corrélation entre le texte et le vécu des participants, aidés par quelques fiches de travail. Les “centres d’écoute” libèrent l’annonce de l’appréhension devant la sacramentalisation et obligent à se confronter continuellement avec la vie. La préoccupation de transmettre une doctrine se heurte à la vie et l’on est obligé de reformuler son propre langage.
Les limitations que cette forme de catéchèse manifeste en Italie sont indéniables (elle peine à rejoindre ceux qui sont loin de l’église; elle n’est pas suivie par les jeunes; elle tend à se fermer sur le cercle étroit des participants; l’approche de la Parole est souvent superficiel, avec le risque d’une “lecture miroir”). Néanmoins, dans beaucoup de diocèses italiens, elle est devenue une des formes les plus originales et efficaces d’évangélisation des adultes et semble devoir rester la forme la plus simple et la plus accessible pour encore beaucoup de temps. Elle est un moyen exceptionnel et réévangélisation de nos communautés. L’occasion du Jubilé et les missions populaires qui se répandent, font développer toujours mieux cette forme de catéchèse.
B - Trois bons indicateurs

Ces trois formes de catéchèse des adultes plus répandues en Italie, doivent être considérées non seulement par unité, mais dans leur ensemble. Elles constituent en effet trois bons indicateurs pour le futur.
Les adultes répondent quand sont pris en considération leurs besoins fondamentaux de vie: leur rôle (de mères, de papas), les relations de couples (comme expérience humaine fondamentale) et le besoin de communiquer, à l’intérieur d’un contexte dans lequel les moyens de communication sont toujours plus accessibles, disponibles et efficaces et la communication inter-humaine profonde toujours plus difficile.

Lorsque les adultes sont pris en considération sur cette base de l’“utilité” (relative à leurs rôles éducatifs, au besoin de relation, au besoin d’intériorité et de sens), ils sont disponibles à se laisser engager, et ils apprécient la beauté et le don de l’Evangile.
C’est pourquoi, peuvent porter des fruits les formes de catéchèse qui respectent les conditions suivantes:

- elles mettent au centre la Parole de Dieu, comme une parole offerte à des auditeurs qui deviennent tout de suite des interlocuteurs ;
- elles portent plus d’attention aux rapports qu’aux organisations;
- elles proposent sur le mode narratif plus que sur celui de l’argumentation et de la démonstration (elles incitent aux récits plus qu’aux explications).

Ce sont vraiment ces indications nées de l’expérience qui sont en train de déplacer l’axe d’intérêt de la catéchèse au sens strict vers l’évangélisation: c’est-à-dire qu’elles confèrent à la catéchèse, son caractère imprescriptible de première annonce.

4. - Le rêve

Il m’a été aussi demandé de donner mon témoignage personnel; sur la base des dix années à temps complet pour la catéchèse des adultes en Italie. J’entends donc bien conclure sur ce versant de l’évangélisation.
Depuis dix ans je coordonne une équipe diocésaine de 25 personnes au service de la catéchèse des adultes: nous avons étudié, mis en oeuvre et constamment vérifié un plan de formation des adultes qui prévoit in itinéraire de 10 ans de catéchèse des adultes basée sur la parole de Dieu. Le choix a été de découvrir la foi non à travers l’itinéraire systématique d’un catéchisme mais à travers des textes du Nouveau Testament qui visitent les principales étapes de l’adhésion à la foi, l’appartenance à la communauté, la réponse cohérente de la vie, l’engagement missionnaire.
Dans ces années nous avons touché, avec cette forme de catéchèse, environ 1200 adultes par an avec en plus un effet en cascade: les catéchèses vécues dans les centres sont répétées dans les diverses paroisses, formant un écho beaucoup plus large que celui que nous pouvons estimer. Les effets sur les participants sont positifs: redécouverte de la parole de Dieu, de la liturgie, de plus de lumière dans la vie quotidienne. Nous nous sommes aussi aperçus d’un fait déjà prévu: à ces formes de catéchèse, ont participé en grande partie des personnes appartenant à la communauté chrétienne et avec une bonne sensibilité religieuse.

C’est pourquoi nous avons décidé de mettre en route, depuis un an, une nouvelle équipe, composée de personnes complètement diverses, par rapport à la précédente. Il s’agit de personnes ayant une sensibilité très différente et situées en général “à la périphérie” des milieux ecclésiastiques institutionnels. Actuellement elles sont 10, parmi lesquelles: une femme engagée dans l’accompagnement des gens du voyage, un expert cinématographique, un poète, un prêtre spécialisé dans l’art des marionnettes, un sociologue ex-prêtre, deux pères de famille, un psychologue, une femme experte dans la formation et engagée dans le domaine social.

Le projet que nous développons vise à promouvoir des formes d’évangélisation des adultes sous des modes et dans des langages non traditionnels, tout à fait exempts de préoccupations ecclésiales/ecclésiastiques. sans devoir rendre compte à personne des résultats, car il s’agit d’un terrain d’expérimentation. Nous avons commencé, en préparation ou déjà en actes, les essais suivants:

a) L’autobiographie comme formation. A des adultes qui ont des “comptes ouverts” avec l’Eglise ou avec Dieu (divorcés, gens loin de l’Eglise ...) nous proposons un groupe qui puisse se raconter, qui raconte ses propres adversités: regarder leurs autobiographies, en les aidant à lire à l’intérieur de leur histoire “des histoires de salut’.

b) L’art comme ouverture à la foi. Avec des personnes loin de l’Eglise, on propose une redécouverte du patrimoine artistique chrétien et, à travers celui-ci, on les aide à se poser la question de la foi.

c) Le langage du théâtre et celui du récit. Quelques essais sont déjà en action, en particulier avec des parents dont les enfants se préparent à la première communion. Ces adultes sont aidés à raconter Dieu à leurs enfants, à travers les récits de l’Ancien et du Nouveau Testament. Après l’expérience du récit à leur propres enfants, il peuvent dire ce que le récit a provoqué en eux.

Le groupe qui a pris le nom de “laboratoire de première évangélisation”, termine actuellement “la carte de l’évangélisation”, c’est-à-dire l’ensemble des critères à observer dans les expérimentations pour une évangélisation devant éviter toute forme de prosélytisme. Les membres de l’équipe ont à ce sujet une antenne très sensible et sont allergiques à tout type de manipulation des personnes, des langages, des relations. Ces critères servent de guide pour les expérimentations et de grille de vérification pour les évaluer.
Quelques expérimentations sont déjà en cours, d’autres démarreront en septembre. Chaque expérience, limitée dans le temps, sera rapportée en équipe et par elle vérifiée.
Cette équipe devient pour nous, et pour moi en particulier, le domaine du rêve. Nous expérimentons la liberté de pouvoir agir sans être conditionnés par des attentes ecclésiales ou personnelles, dans la gratuité de ce que chacun est, sans objectifs de résultats, dans la conviction que l’Evangile a déjà en lui-même la capacité de montrer sa valeur.
De cette façon, le diocèse de Vérone continuera avec son équipe de 25 personnes son devoir de catéchèse des “appartenants” et se lance à tenter, avec liberté et joie, des propositions d’annonce en dehors des formules et des schémas traditionnels, mais attentives aussi, autant qu’il est possible, à éviter les risques des formes d’évangélisation appliquées dans certains mouvements ecclésiaux.



Extrait de la revue Lumen Vitae, Devenir chrétien, n°1, 2001, pp.29-40
[1] Enzo Biemmi, frère de la Congrégation des Frères de la Sainte-Famille, docteur en théologie, spécialiste en sciences catéchétiques, est actuellement directeur de l’Institut Supérieur de Sciences Religieuses de Vérone (Italie). Il dirige notamment une collection Itinéraires de catéchèses des adultes (Editions, EDB) depuis 1994.
[2] - “Ciò comporta la scelta pastorale comune e prioritaria per una sistematica, capillare e organica catechesi degli adulti, proprio perché “gli adulti sono in senso più pieno i destinatari del messaggio cristiano”” (CEI, Lettera dei Vescovi per la riconsegna del testo “Il rinnovamento della catechesi”, n.8).
[3] - L’enquête a été promue par l’Institut Catéchétique de l'Université Salésienne dans les années 1993-1995. Les résultats ont été publiés en: MORANTE Giuseppe, I Catechisti parrocchiali in Italia nei primi anni '90. Ricerca so­cio-religiosa, LDC, Torino 1996.
[4] - ALBERICH, BINZ, Forme e modelli di catechesi con gli adulti, LDC, 1995, p. 104.
Enzo Biemmi, frère de la Congrégation des Frères de la Saint-Famille, docteur en théologie, spécialiste en sciences catéchétiques, est directeur de l’Institut Supérieur de Sciences Religieuses de Vérone. Il dirige notamment une collection Itinéraires de catéchèses des adultes (EDB).
- BIEMMI Enzo, I catechisti degli adulti in Italia, in La formazione dei catechisti. Problemi di oggi per la catechesi di domani, LDC, 1998, 143-147.
- Les résultats de cette enquête ont été publiés en: UFFICIO CATECHISTICO NAZIONALE, Esperienze di catechesi degli adulti in Italia oggi, a cura di Soravito Lucio, LDC, Leumann (To) 1990, 148 pp.
- Cette typologie a été établie par une enquête menée dans le diocèse de Vérone, mais elle est révélatrice d’une situation généralisée.








Para ver:

CT 23-24, 28, 44.
CCE 1229-1233, 1247.
DGC 78, 88-90, 256-257.

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